Luc
Juriste, 51 ans, vit à REIMS (ChAMPAGNE)
Devenir transparent
« J’ai deux garçons de 18 ans et 15 ans qui ne m’adressent plus la parole depuis bientôt deux ans. J’ai quitté le domicile conjugal en octobre 2019, ce qui a été un choc pour mon ex-épouse et mes enfants. À la suite de mon départ, ils n’ont plus voulu me voir alors que je les avais sollicités immédiatement pour qu’on continue à se voir. Leur mère me disait simplement qu’ils ne voulaient pas me voir. Il m’a fallu attendre le mois d’avril 2021 pour avoir une ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales me conférant un droit de visite et d’hébergement tous les 15 jours et la moitié des vacances scolaires. Devant cette contrainte juridique, leur mère a donc convaincu mes enfants de me voir pour ne pas se mettre en infraction avec l’ordonnance du juge. Mais la parade qu’ils ont trouvé, si je puis dire, c’est qu’ils viennent me voir (ou plutôt je vais les chercher) et ils ne m’adressent absolument pas la parole. Cela paraît difficile à croire mais la situation est bien celle-ci : j’ai mes enfants un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires mais ils restent muets. Ils ne répondent pas à mes questions, qu’il s’agisse de questions sur leur vie scolaire ou de questions plus terre-à-terre que je peux leur poser lors d’un repas comme « voulez-vous encore des pâtes ? ».
C’est un comportement extrêmement violent pour moi car mes enfants sont avec moi mais sans être avec moi. Dès qu’ils arrivent chez moi ils s’enferment dans leur chambre tout le week-end. Ils n’en sortent que pour venir manger, mais très rapidement afin de passer le moins de temps avec moi. Ils ne veulent faire aucune activité et ils refusent tout ce que je leur propose (même un bon dessert). Ils ont refusé de prendre leur cadeau de Noël également. Quand je suis avec eux dans ma famille - qui est également la leur - ils se détendent un peu mais pas avec moi évidemment. À ces occasions je peux les entendre parler avec les autres. Ils m’ignorent complètement. Je suis transparent pour eux. C’est très destructeur mais je m’accroche et je ne leur en veux pas. Je pense que c’est également violent pour eux et je suis très soucieux de cela.
Voici, en résumé, ma situation : mes enfants existent et vivent mais je les ai perdus. »
Luc, mai 2022