Avec l’augmentation, dans nos sociétés, du nombre de séparations conflictuelles, l’exclusion parentale - à savoir toute situation dans laquelle un enfant rejette un parent de façon injustifiée, ou tout de moins inexplicable par la qualité antérieure de leur relation - touche un nombre de plus en plus grand de foyers, de tous les milieux socio-culturels. En France elle concernerait 13% des enfants de parents séparés, dont 6% de manière grave.
Dans ses formes les plus graves, l’exclusion parentale fait des ravages dans la psyché des enfants concernés ; elle cause aussi beaucoup de souffrance aux parents qui en font l’expérience, surtout lorsque la relation avec leurs enfants a été bonne avant sa dégradation ou sa rupture.
L’objectif de notre projet est de mettre en lumière ce phénomène de société, peu médiatisé jusqu’à présent, en explorant la nature et les formes de la relation parentale dans les cas précisément où elle est abîmée ou provisoirement interrompue.
Sur la base d’échanges approfondis avec des mères et des pères confrontés à cette situation et avec leur participation active, nous allons réaliser, accompagnés d’une équipe de spécialistes des problématiques familiales et de professionnels de l’audio-visuel, une série photographique, des créations sonores, des textes, un film documentaire et une docu-fiction : autant de manières d’appréhender la problématique de la rupture de la relation parentale et sa possible résilience.
Des histoires vraies,
des paroles qui se libèrent
L’objectif de ce projet est de mettre en lumière la problématique de l’exclusion parentale, un fléau qui touche un nombre de plus en plus important de familles en France et dans le monde entier.
Il s’agit d’un sujet peu médiatisé jusqu’à présent, qui mérite d’être porté à l’attention de l’ensemble des citoyens.
Sauf mention contraire, toutes les photographies reproduites sur ce site ont été réalisées par Marco Barbon et sont soumises au régime du droit d’auteur.
Les propos des parents ont été recueillis par Marco Barbon ; naturellement ils font état, tout comme les photographies et les textes qui les accompagnent, d’une étape de la vie et de l’histoire familiale du parent en question.
UN ENFANT
A BESOIN DE SES DEUX PARENTS
Avec l’augmentation, dans nos sociétés, du nombre de séparations et notamment de séparations conflictuelles et la place de plus en plus grande accordée à l’enfant (qui peut devenir une arme dans le conflit), la séparation des enfants de l’un des deux parents touche un nombre de plus en plus grand de foyers, de tous les milieux socio-culturels. En France, selon Marc Juston, elle concernerait 13% des enfants de parents séparés, dont 6% de manière grave.
L’exclusion parentale, à savoir toute situation dans laquelle un enfant, sous l’emprise de l’un de ses parents, rejette l’autre parent de façon injustifiée ou tout de moins inexplicable par la qualité antérieure de la relation, constitue une dure épreuve pour les parents écartés, surtout lorsque la relation avec leur/s enfant/s était de bonne qualité avant sa dégradation ou sa rupture. Dans ses formes les plus graves, elle fait des ravages dans la psyché des enfants concernés, susceptibles de développer des traumatismes et des comportements dangereux (criminels ou suicidaires). Sans compter le fait qu’elle porte attente à la transmission inter-générationnelle.
Cette problématique sociétale affecte malheureusement des milliers d’enfants, de parents et de grands-parents, en France comme dans le monde entier. Les associations, les actions collectives et les prises de parole se multiplient pour dénoncer cette situation ou pour soutenir, d’un point de vue juridique et psychologique, ceux qui en sont les victimes et pour essayer, tant bien que mal, de recoudre le lien provisoirement interrompu.
Sensible pour diverses raisons à cette problématique, ayant été en contact avec plusieurs associations qui défendent le droit de tout enfant à garder le lien avec ses deux parents et ayant pu accéder à de nombreux témoignages de parents pris dans des situations souvent invivables, j’ai pu constater l’ampleur du problème ainsi que la difficulté et souvent l’échec de la justice à dénouer des cas extrêmement délicats. J’ai pu par ailleurs constater l’importance du processus de résilience des parents qui, pour pouvoir surmonter leur souffrance et garder l’espoir, doivent prendre en main leur vie, devenant les acteurs d’un amour inconditionnel.
C’est le cas d’Eleanor, une mère qui vit dans le Var :
« Je me suis mariée en 2002 - elle me raconte - et j’ai eu deux filles de ce mariage - E. et H. - nées en 2004 et en 2006. Puis les relations avec mon ex-mari se sont dégradées et nous nous sommes séparés en 2012. Le divorce a été prononcé en 2013. Dès la séparation, j’ai demandé une médiation car il engageait les enfants dans des mensonges. Tous les accords que nous avions concernant l’éducation des enfants n’ont pas tenu une fois qu’il a décidé de divorcer : la confiance et le respect étaient rompus. Il employait tous les moyens pour me harceler ou me discréditer et a fait de même vis-à-vis de mon actuel compagnon. En 2015, mon ex-mari engage une démarche en justice pour demander la garde alternée, prétextant que je suis une mère négligente. Le juge maintient le status quo après une médiation tardive, à mon grand soulagement. En 2017, il demande la garde principale, prétextant de violences subies par mes filles. Le mardi 17 octobre 2017, la veille d’une séance de médiation familiale où elles devaient être entendues, il les kidnappe à la sortie de leur collège. Il a obtenu la garde et j’ai eu droit seulement à une médiation en espace de rencontre. Lors de ces rares entrevues, mes filles refusaient de m’adresser la parole et même de me regarder. L’établissement catholique privé où elles sont scolarisées a refusé à plusieurs reprises de leur remettre mes courriers ou d’organiser des réunions pour discuter de leur démarche. J’ai fait appel alors au juge des enfants qui a clôturé le dossier, même en appel, après une enquête bâclée et une Action Educative en Milieu Ouvert inefficace puisque le père faisait barrage. Mes filles ont maintenant 17 et 15 ans. E. détourne son regard lorsque j’essaie de la voir à la sortie du lycée, H. part en courant lorsqu’elle m’aperçoit. Je ne les ai plus revues depuis 3 ans (…) »
Adrian, père d’un enfant de 14 ans, arrive à communiquer avec son fils seulement par téléphone, une fois par mois :
« Depuis plus de deux ans, je suis un papa pendant 2 minutes par mois soit 24 minutes par an, je suis le seul qui envoie des SMS, des cadeaux d’anniversaire et des cartes postales quand je suis en voyage. J’ai l’image de quelqu’un qui est derrière une vitre étanche ou un double vitrage, quelqu’un qui essaye de communiquer sans se faire entendre. Je saute, je cris et gesticule de toutes mes forces derrière ma vitre étanche, mon fils que j’aime, ne m’entend pas »
L’objectif de notre projet est de mettre en lumière ce phénomène de société, en explorant la nature et les formes du lien parental ; et de souligner, le cas échéant, les ressources psychologiques qui permettent aux parents de surmonter la violence, parfois extrême, de leur situation et d'arriver à retisser une relation qui leur paraissait définitivement abîmée.
LE SOLEIL MÊME LA NUIT s’articulera en deux phases. La première phase prévoit la production d’une série photographique, d’une série de documentations sonores, d'un court-métrage (docu-fiction) et de plusieurs textes écrits par des experts des problématiques familiales. La deuxième phase, celle d’un film documentaire, d’un Serious Game à visée pédagogique et d’une BD (roman graphique).
Les médias du premier groupe seront présentés ensemble, à partir de 2024, dans une exposition transmédia mais aussi de manière indépendante.
Le travail photographique donnera lieu à une publication sous forme de livre et sera exposé dans des festivals, dans des espaces d’exposition du circuit de l’art contemporain et dans des lieux associatifs et/ou institutionnels, en France et à l’étranger. Dans le livre comme dans l’exposition, les images photographiques s’accompagneront de textes qui présenteront l’histoire des parents concernés. Dans l’espace d’exposition, les photographies seront accompagnées par une vidéo et des créations sonores. Des textes écrits par les experts associés au projet, par les parents concernés et par des personnalités publiques encadreront les œuvres photographiques et audio-visuelles, en contribuant à éclairer la thématique en question et en ouvrant des pistes de réflexion.
Des publications du travail photographique dans la presse, nationale et internationale, sont également prévues.
Les documentaires sonores, qui accompagneront le travail photographique dans l’exposition transmédia, seront diffusés également sous forme de podcast sur le site web www.lesoleilmemelanuit.net, sur des plateformes web et à la radio.
Grâce notamment à la multiplicité des supports susceptibles d’intéresser des publics différents, notre objectif est d’assurer à ce travail une diffusion la plus large possible, pour que cette problématique sociétale et la conséquente souffrance des parents et des enfants qui en sont les victimes puissent enfin être dénoncés et faire l’objet d’un véritable débat citoyen.
Marco Barbon
photographe, concepteur et directeur artistique du projet
N.B. :
Évidemment il ne faut pas considérer toutes les situations d’exclusion parentale comme équivalentes. Notre projet documente un certain type d’exclusion parentale et ne fait pas du tout état de ces autres situations - qui existent aussi - où l’un des parents accuse de façon perverse l’autre de l’exclure de la relation avec son/ses enfant/s pour pouvoir continuer à abuser impunément de lui/elle/eux, comme c’est le cas de certains parents incestueux.
D’ailleurs, l’inceste et l’exclusion parentale (celle que nous documentons, du moins) sont, à notre avis, deux formes différentes d’un même mécanisme totalitaire : l’emprise. Emprise d’un parent sur un enfant, dans le cas de l’inceste ; d’un parent sur l’autre parent (et sur toute une lignée familiale), via celle exercée sur leur(s) enfant(s), dans le cas de l’exclusion parentale. Nous considérons que nous ne devons pas nier l’existence d’un phénomène pour s’assurer de la prise en compte de l’autre. Il faut, au contraire, tenir ensemble les deux bouts de ces violences intra-familiales, au risque de jeter le bébé avec l’eau du bain.
La parole de l’enfant doit bien sûr être entendue dans le cas d’une séparation conflictuelle ou d’un différend entre les deux parents, mais avec toutes les précautions que la complexité d’une situation aussi délicate pour l’avenir de l’enfant requiert.
Si nous n’affrontons pas de face et intelligemment la problématique de l’exclusion parentale comme forme spécifique d’emprise et si nous n’osons pas rompre le silence de la société à ce sujet - comme cela a été fait à juste titre pour le harcèlement, l’inceste ou les violences faites aux femmes - les parents manipulateurs auront encore de beaux jours devant eux.